Quelle sera la taxe sur les produits du vapotage ?

Introduction

Lors de sa séance du 17 décembre dernier, le Conseil Fédéral a ouvert une procédure de consultation concernant une révision partielle de la Loi sur l’imposition des produits du tabac et, plus spécifiquement la présentation d’une base légale pour une taxation de la cigarette électronique.

Dans les faits, cette imposition ne touchera pas les appareils mais seulement les e-liquides.

L’imposition sera de 77% inférieure à la taxation appliquée sur la cigarette classique. Le Conseil Fédéral souhaite, ainsi, tenir compte d’une moindre nocivité de la cigarette électronique et ne pas trop décourager les vapoteurs utilisant la cigarette électronique dans l’optique d’un sevrage tabagique. 

Contrairement à ce qu’annonce le conseil Fédéral, ce sera un coup dur pour les fumeurs qui veulent passer à la vape pour décrocher du tabac. On sait, aujourd’hui, que le secret d’un sevrage tabagique réussi, réside dans le taux élevé de nicotine utilisé dans son e-liquide.

Le projet de Loi prévoit que pour les récipients rechargeables (système ouvert), le taux de nicotine contenu dans le e-liquide servira de base dans le calcul de l’impôt. Donc, la taxation touchera bien principalement les vapoteurs en sevrage tabagique, c’est-à-dire ceux qui ont besoin de la plus forte concentration en nicotine pour faire la transition avec la cigarette classique.

Le taux d’imposition sera calculé sur la base d’une valeur d’équivalence à l’absorption de nicotine par rapport aux cigarettes traditionnelles. C’est pourquoi il est proposé un taux d’imposition de 0,02 franc par milligramme/millilitre de nicotine. Soit pour une bouteille de 10ml avec 20mg de nicotine, la taxe sera de 4 CHF !!!

Pour les cigarettes électroniques non rechargeables ou jetables (système fermé), le calcul se fera par rapport à la quantité de liquide avec ou sans nicotine. Le taux d'imposition sera calculé sur la base d'une valeur équivalente à la quantité de liquide consommable par rapport à un paquet de cigarettes traditionnelles. Le taux d'imposition devrait être fixé à 0,50 franc.

Il serait intéressant d’étudier si les frais engendrés pour la mise en place et le contrôle de telles mesures seront compensés par les recettes fiscales effectives.

Cette imposition devrait rapporter environ 15,5 Millions de Francs dans l’optique d’un cofinancement de l’AVS et de l’AI.

Mais ça c’est sur le papier !

Peut-on s’inspirer de l’expérience de nos voisins ?

Le Conseil Fédéral devrait, peut-être, étudier le cas de certains de nos voisins européens qui ont déjà franchi le pas de la taxation des cigarettes électroniques.

L’Italie, premier pays d’Europe à avoir introduit la taxation sur la vape en 2015, avec beaucoup d’espoir en matière de rentrées fiscales, a dû revoir sa copie. En effet, avec une explosion du marché noir et de la contrebande, le secteur officiel de la cigarette électronique s’est effondré, et avec lui les espoirs de recettes pour le gouvernement. En conséquence, moins de 4 ans plus tard, le pays a fait machine arrière et diminué la taxation de 80% dans l’espoir de stopper l’hémorragie.

L’Estonie est allée encore plus loin. Après une expérience malheureuse comparable à celle de l’Italie, elle a tout simplement retiré sa taxation sur les produits de la vape.

Le Royaume Uni a, comme souvent, adopté une politique totalement opposée en matière de reconnaissance de la vape comme substitut majeure en matière de sevrage tabagique. Non seulement les produits de la vape ne sont pas taxés, mais le gouvernement britannique finance même des campagnes de pub pour inciter les fumeurs à se tourner vers la cigarette électronique.

Quelles sont les conséquences à prévoir ?

Les conséquences seront, non seulement économiques, mais aussi, sanitaires.

Le Conseil Fédéral justifie sa démarche par une volonté de protéger les jeunes contre une dépendance possible à la nicotine. Si le principe de base est tout à fait louable, le procédé l’est beaucoup moins. 

Que va-t-il se passer si les produits de la vape deviennent inabordables pour les petits budgets ?

Si l’on habite dans une zone frontalière, c’est très simple : On va faire ses courses ailleurs qu’en Suisse, ou on confie sa liste shopping aux bons soins d’un collègue frontalier.

La nature ayant horreur du vide, le marché noir et la contrebande vont se développer et tout le monde sera perdant. Peu de rentrées fiscales pour la Confédération, puisque peu de ventes légales, et un secteur de la vape qui va souffrir économiquement.

Pire encore, certains vapoteurs, découragés par la hausse des prix, vont se tourner vers des sites de commerce en ligne asiatiques et bon marché, pour acheter des produits douteux tant au niveau de l’hygiène que des risques sanitaires encourus, et sans questionnement sur l’âge du consommateur.

Dans tous les cas le comportement d’achat des vapoteurs sera modifié et certainement pas dans l’optique d’une évolution positive.

Conclusion

Si le Conseil Fédéral reconnaît timidement l’utilité de la cigarette électronique dans le processus de sevrage tabagique, on est loin d’une déclaration d’intention envers une reconnaissance explicite de la e-cigarette comme outil décisif dans la lutte contre le tabagisme.

Si elle est appliquée cette imposition sur la cigarette électronique aura des effets non négligeables.

Sur l’économie, avec un coup terrible porté à tout un secteur d’activité.

Sur la santé, avec une altération certaine du sevrage tabagique pour de nombreux fumeurs, ainsi qu’un risque sanitaire pour des consommateurs qui se risqueront sur des produits hasardeux.

Cette imposition n’aura, de toute façon, pas les résultats escomptés en matière de rentrées fiscales en Suisse, mais fera le bonheur des économies de nos voisins européens ou asiatiques.