Introduction

Le parlement vient d’adopter, lors de sa session d’automne, la Loi sur les produits du tabac et les cigarettes électroniques (LPTab) inspirée de la Tobacco Products Directive (TPD) européenne. Si cette Loi n’est pas combattue, elle entrera en vigueur mi-2023. 

Jusqu’à présent, la cigarette électronique avait le statut juridique « d’objet usuel » et tombait sous le coup de la Loi sur les denrées alimentaires (LDai). Ce statut d’objet usuel permettait à la cigarette électronique de ne pas être soumise à la législation sur les produits du tabac. Par un arrêt du tribunal administratif fédéral du 24 avril 2018, la Suisse, en vertu du principe Cassis de Dijon, avait autorisé la vente libre des cigarettes électroniques contenant de la nicotine si celles-ci étaient déjà commercialisées dans un pays membre de l’UE ou de l’EEE. 

Ce qui va changer

Avec la Loi LPTab, tout va changer. Le Conseil Fédéral inclut la commercialisation de la cigarette électronique avec nicotine dans la législation. Une bonne nouvelle ? Pas vraiment, en assimilant la cigarette électronique aux produits du tabac, bien que ne contenant pas de tabac, le Conseil Fédéral va pouvoir fixer des exigences et des restrictions similaires aux produits du tabac. 

En pratique, de quoi parle-t ’on ? De limitations en termes de vente, de publicité, d’étiquetage ou d’utilisation des produits de la vape. 

De facto, la cigarette électronique tombe sous le coup de la Loi sur la protection contre le tabagisme passif. Il sera, désormais, impossible de vapoter dans tous les lieux publics fermés où le tabac est déjà proscrit. Une concession a tout de même été faite aux professionnels de la vape. L’usage de la cigarette électronique sera « autorisé dans des zones déterminées des magasins de vente spécialisée ». Il paraîtrait, en effet, compliqué de conseiller et accompagner une clientèle cherchant une alternative au tabac sans pouvoir tester le produit. Mais qu’appelle-t-on « zone déterminée » ? Et bien, c’est tout bonnement un fumoir. Il est à gager que les magasins spécialisés en produits de vapotage n’auront pas les moyens de financer de telles zones. Il faudra, donc, essayer les produits dehors ou y renoncer. 

La nouvelle Loi LPTab fixe à 18 ans la vente de cigarettes électroniques. Il est à noter que les représentants de la branche, l’Association Romande des Professionnels de la Vape (ARPV) n’ont pas attendu cette loi pour prendre conscience que protéger les jeunes était une nécessité et ont dès 2019, interdit l’accès de leurs magasins aux mineurs ainsi que la publicité qui pouvait leur être destinée, publicité qui sera interdite dans les mêmes conditions que pour les produits du tabac. 

Selon les termes de la Loi LPTab, et comme c’est déjà le cas en Europe, la concentration de nicotine maximale sera fixée à 20mg/ml de liquide dans des fioles ne dépassant pas 10ml. A une époque où le bouleversement climatique est une question majeure, opter pour la multiplication des emballages plastiques, afin de répondre à cette obligation de faible contenance, est une hérésie écologique. De plus, économiquement, elle ne peut qu’entraîner une augmentation des prix pour le consommateur.  

Les produits de la vape seront soumis à une réglementation différente en ce qui concerne les mises en garde et les prescriptions de sécurité, afin de rappeler le potentiel addictif de la nicotine et l’absence d’étude sur le long terme. Cette différenciation sur le contenu des messages à apposer sur les produits de la vape par rapport à ceux imposés pour les produits du tabac, peut être vue comme une reconnaissance implicite de la moindre nocivité de la vape, ce qui est une bonne nouvelle dans le cadre de la lutte contre le tabagisme.  

Reste la question de la taxation des produits de la vape. Ils sont aujourd’hui taxés uniquement au titre de la TVA à 7,7%. La nouvelle Loi va changer tout ça en soumettant la cigarette électronique à une taxation spécifique, au même titre que la cigarette traditionnelle. Là encore, le Conseil Fédéral semble faire une différence en proposant que les produits de la vape soient taxés à un niveau inférieur à celui des produits du tabac. Il paraît fondamental de conserver à la cigarette électronique un statut distinct de celui de la cigarette traditionnelle, voire encourager les fumeurs traditionnels à se détourner du tabac, grâce à une attractivité financière passant par une fiscalité plus avantageuse.

La vape : premier outil de sevrage tabagique

Sur 36 pays européens, la Suisse arrive avant-dernière en matière de mise en œuvre de mesures visant à réguler la consommation de tabac. Aujourd’hui en Suisse, seuls les patches, gommes à mâcher, inhalateurs et autres comprimés nicotinés sont proposés dans le cadre d’un sevrage tabagique. Une réglementation différente de celle des produits du tabac doit être mise en place pour que la cigarette électronique puisse rester une option possible dans le cadre d’un sevrage tabagique. Et pourquoi pas, comme au Royaume-Uni, envisager la vape sur prescription médicale comme véritable outil de réduction des risques. 

Selon Jean-Felix Savary, secrétaire général du groupe romand d’étude des addictions (GREA), « avec le vapotage, on peut réduire de manière significative les dégâts qui sont causés par le tabac ». En Suisse le nombre de fumeurs de produits du tabac ne diminue plus depuis 10 ans, les coûts sur la santé dépassent les 214 millions de francs par année, et il y a encore 9500 personnes qui en décèdent. Il est temps que ça change ! 

Il est nécessaire de légiférer sur la protection des populations, et notamment la protection des jeunes non-fumeurs, mais la réglementation devrait être différenciée et s’adapter à la nocivité et l’utilité des produits. 

Il ne faudrait pas que sous couvert de mise en place d’un principe de précaution envers les produits du vapotage, on minimise les outils d’une politique de réduction des risques du tabagisme.